Article publié en septembre 2022 et mis à jour en novembre 2025
“Au culte aristocratique du jargon, il faudrait substituer le respect d’un langage vivant accessible au plus grand nombre possible d’hommes de toutes cultures. Ce serait sans doute une révolution culturelle, justement celle que des hommes cultivés répugnent de plus en plus à accomplir. Eux qui devraient donner à la société l’exemple de l’ouverture, ils résument au contraire les comportements figés d’un univers corporatiste.”
Alain Peyrefitte écrit cela en… 1976. La question de l’accessibilité de l’information ne date pas d’hier, et reste pourtant d’actualité. Car si le monde change, sur ce point il change… lentement !
En 2025, on parle beaucoup de communication responsable. Les entreprises affichent leurs engagements RSE, repensent leurs supports, mesurent leur empreinte carbone. Mais combien se posent la question : est-ce que nos publics nous comprennent vraiment ? Pour se faire comprendre sans susciter de la défiance, s’il suffisait de se parler en utilisant un même langage ? Celui qui est compris par le plus grand nombre ? C’est un enjeu de communication responsable. Un enjeu démocratique aussi. C’est pour cela que nous promouvons le langage clair.
Langage clair : un pilier émergent de la communication responsable
Quand on parle de communication responsable, on pense transparence, authenticité, éco-conception des supports, sobriété éditoriale. Mais il y a un autre pilier, moins visible dans les référentiels classiques : l’accessibilité intellectuelle de l’information.
Rendre l’information accessible, ce n’est pas seulement la mettre en ligne ou la traduire en plusieurs langues. C’est s’assurer qu’elle soit compréhensible dès la première lecture, quel que soit le niveau d’éducation ou les capacités cognitives du lecteur. C’est là qu’intervient le langage clair : cette technique rédactionnelle qui permet d’aboutir à un contenu réellement compréhensible. Clair pour le lecteur. Logique pour le lecteur.
Le sujet commence à émerger dans la littérature sur la communication responsable. Assaël Adary, dans son ouvrage de référence Communication et marketing responsables, consacre d’ailleurs un passage au langage clair. Signe que le secteur prend conscience de cet enjeu.
Pourtant, les chiffres de notre Baromètre Langage Clair 2025 révèlent un paradoxe : 88 % des Français font confiance aux entreprises dont ils comprennent les écrits. Dans le même temps, un tiers d’entre eux ne saisissent pas le sens des textes qu’ils lisent au quotidien.
Autrement dit : vous pouvez avoir la stratégie RSE la plus exemplaire, si vos clients ne comprennent pas vos contrats ou vos courriers, vous échouez sur un point essentiel de la communication responsable. Vous excluez une partie de votre public.
Les enjeux concrets
Rendre ses écrits accessibles, c’est une question d’inclusion sociale. Combien de personnes renoncent à faire valoir leurs droits parce qu’elles ne comprennent pas le formulaire ? Combien d’assurés ne savent pas vraiment ce que couvre leur contrat ? Les personnes en situation de handicap intellectuel, les dyslexiques, les personnes âgées, les allophones… mais aussi une grande partie de la population qui manque de temps ou de familiarité avec le jargon technique.
Le langage clair, c’est aussi une question de confiance. Quand un texte est simple et direct, pas de place pour la suspicion : « Qu’est-ce qu’ils essaient de me cacher derrière ces formules incompréhensibles ? » Cette transparence linguistique renforce la crédibilité.
Et puis, il y a un enjeu d’efficacité pure. Un courrier clair génère moins de réclamations, moins d’appels au service client, moins d’emails de suivi. Moins de doublons, moins de courriers de relance pour réexpliquer ce qui aurait dû être compris du premier coup. C’est du temps gagné pour tout le monde, et accessoirement, des ressources économisées.
Certaines banques ont revu l’intégralité de leurs courriers clients pour les rendre compréhensibles. Résultat ? Baisse des réclamations, amélioration de la satisfaction, réduction du volume de relances. Dans le secteur public, la simplification administrative progresse, avec notamment la norme ISO 24495-1 qui pose les grands principes du langage clair (sans être contraignante, mais en offrant un cadre de référence).
« Mais c’est impossible dans mon métier »… vraiment ?
On l’entend souvent. Comme si certains domaines étaient condamnés à l’obscurité.
Ceux qui écrivent savent bien qu’écrire de manière lisible, sans jargon inutile, sans complexité syntaxique, n’est pas facile. Mais on PEUT rédiger de façon claire et simple quel que soit le sujet. Et à coup sûr, on peut au moins tendre vers cet objectif.
Nous travaillons sur des contrats d’assurance, des protocoles de soins, des conditions générales de vente, des notices techniques, des documents juridiques. Oui, c’est possible. Non, ce n’est pas au détriment de la précision.
Prenez cet extrait d’un contrat d’assurance :
Avant : « Nul ne peut faire l’objet d’une prise en charge au titre de la garantie si la pathologie constatée résulte d’un état pathologique antérieur à la souscription. »
Après : « Nous ne prenons pas en charge les maladies que vous aviez avant de souscrire le contrat. »
Même information. Même précision juridique. Mais l’une est accessible, l’autre exclut 70 % des lecteurs.
Le jargon est souvent une question d’habitude plus que de nécessité. Une façon de signaler qu’on appartient au cercle des initiés. Ce que Peyrefitte appelait en 1976 « les comportements figés d’un univers corporatiste ». Près de 50 ans plus tard, le constat tient toujours.
La vraie question n’est pas « est-ce possible ? », mais « est-ce qu’on en a vraiment envie ? ». Parce que simplifier ses écrits, c’est accepter de se mettre au niveau du lecteur. C’est choisir l’utilité plutôt que le prestige.
Par où commencer ?
Les bases du langage clair sont simples :
- Réfléchir à la structure logique de l’information pour son lecteur
- Simplifier la structure des phrases
- Utiliser des mots de tous les jours
- Penser la mise en forme pour faciliter la lecture
Alors, comment s’y prendre ? Former ses équipes. Pas seulement les communicants : les juristes, les experts métier, tous ceux qui produisent des contenus. Parce qu’au-delà des techniques rédactionnelles, l’essentiel consiste à changer de point de vue pour adopter celui de son lecteur.
On peut aussi s’appuyer sur des outils de mesure comme Lisible, qui permettent de visualiser les points de complexité et d’obtenir des suggestions de reformulation.
=> Pour aller plus loin sur les techniques concrètes, les règles à respecter et les exemples d’avant-après, consultez notre guide pratique du langage clair.
Se faire comprendre, c’est déjà agir
La communication responsable ne peut pas se limiter à l’éco-conception ou à la véracité des messages. Elle doit aussi garantir que ces messages soient accessibles à tous.
Adopter le langage clair, c’est respecter l’intelligence de ses lecteurs. C’est reconnaître qu’un texte compliqué n’est pas un gage de sérieux, mais souvent un signe de paresse intellectuelle. C’est choisir l’efficacité et l’inclusion plutôt que le confort des habitudes.
Près de 50 ans après Peyrefitte, on attend toujours cette « révolution culturelle ». Elle pourrait commencer par vous.


